Tous furent, de leur vivant, honorés comme les plus éminents compositeurs de leur pays respectif – en France, la concurrence était rude pour Fauré. Tous laissent une œuvre dont les secrets ne furent cependant dévoilés qu’après leur disparition, au fil des décennies. Hasard ou geste légataire, point conclusif (ou de suspension) à son œuvre, chacun écrira comme dernière pièce un quatuor à cordes, le plus subtil et complexe des genres musicaux, éminemment propice à l’introspection et à la rêverie. Pour Gabriel Fauré, qui n’en avait jamais écrit auparavant, attendre le terme de son voyage terrestre pour se livrer à cet exercice dans lequel Beethoven s’était particulièrement illustré, était, de son propre aveu, le moyen d’échapper au jugement de ses contemporains. Dans ses Lettres Intimes, le Tchèque Leoš Janáček témoigne de sa passion pour une femme mariée et de quarante ans sa cadette ; mais l’œuvre ne fut créée qu’après sa mort. Il en fut de même pour le Quatuor n°3 de l’Anglais Benjamin Britten, qu’il avait écrit durant une maladie cardiaque qui allait l’emporter prématurément. Crépusculaires, aucune de ces partitions ne privilégie cependant la noirceur : toutes sont baignées d’une lumière qui transcende les limites de nos existences.