Dans La Tempête de Shakespeare, Prospero, ancien duc en exil devenu le magicien de l’île, livre à Ferdinand : « nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits » (acte IV). Si le paysage se fait inconstant et la réalité incertaine, le désir de découverte et les méandres d’un monde aussi bien refuge qu’utopie, laissent entrevoir les traces d'une aventure initiatique, parfumée d’obstacles et de dangers, un espace où la brume, la magie et l’horizon se rencontrent à la croisée du réel et du merveilleux. En écho aux vertiges initiés par Prospero, ce premier acte intitulé Entre les deux rives : le regard de la Tempête est un projet qui arpente l'idée de quête, de songe éveillé et de passage à l’acte à travers la performance, l’installation et la vidéo. 

Prospero en exil, c’est l’astronome et l’astrologue qui court après ses rêves et ses inventions. Ce projet pose donc les malles d'un voyage immersif traversé de fantômes et de chimères : les épaisses fumées blanches dans Real Remnants of Fictive War de Cyprien Gaillard ; Borderland, l’œuvre migrante de Melik Ohanian ; Loie Fuller Research, une recherche sur le mouvement et la matière d’Ola Maciejewska ; une installation inédite composée des fragments émotionnels et des expériences environnementales de Natsuko Uchino ; les forces invisibles dans les performances de Naama Tsabar ; l’installation textile du designer Shangguan Zhe ; Songs for dying de Korakrit Arunanondchai, explorant spiritualité, croyances et système politique ; enfin, les actions proposées par Blandine Savetier avec les élèves des conservatoires d’Arras et de Douai, autour des notions de récit, de refuge et d’exil. 

Lorsque le mirage se dissipe, une brèche se dessine et laisse entrevoir ce que sont le réel et l’instant présent. Le voyage peut donc toucher à sa fin. Prospero nous révèle que le monde existe grâce à l’équilibre des forces, la mesure du temps et la poésie des hommes.